L’aquarelle nous apprend l’essence des choses. Avec de l’eau, des pigments, du papier, le défi de peindre l’essentiel est posé. Quelle frugalité dans les moyens ! Symboliquement, ce dénuement à quelque chose de fondamental – il nous rappelle notre juste place dans l’équilibre du monde.
Aller à l’essentiel dans le sujet, c’est aussi aller à l’essentiel dans ma propre vie. Le choix du cadrage, de la lumière, le respect des perspectives sont les fondements mêmes de mes choix existentiels. Je ne peux peindre la beauté si mes choix sont aliénés par des causes externes.
Une civilisation qui déporte nos vies dans l’orientation des désirs, qui manipule nos besoins à des buts étrangers à nous-mêmes, se sclérose. Nous ne vivons plus que par procuration digitale et écrans interposés. L’essentiel se traduit par des valeurs simples qui, comme pour l’aquarelle, produisent des effets étonnants : la sobriété pour le corps, l’insatiabilité pour l’esprit, la démesure pour l’amour. Mais c’est le contraire pour notre société qui érige la sobriété en amour, l’insatiabilité pour le corps et la démesure pour l’esprit.
La prochaine évolution sociale sera de reconquérir l’essentiel, c’est-à-dire notre liberté intérieure débarrassée des virus à cristaux liquides. En supprimant le superflu de nos vies, nous laissons apparaître ce qui est primordial : connaître la nature et y trouver dans l’harmonie une place utile et réciproquement constructive.