A propos de

A 20 ans, j’ai dû choisir : les beaux-arts de Paris ou la Dordogne. Je suis resté sur mon bateau.

Je suis un peintre de l’eau. Et si je ne pratique plus que l’aquarelle depuis cinquante ans, c’est parce qu’elle me permet de peindre ce qu’il y a de plus difficile au monde : l’eau qui bouge.

Je peins tous les sujets, mais je reste captivé par les reflets. C’est la peinture de l’insaisissable, défi permanent, combat silencieux.

ecluse

Il faut peindre rapidement, saisir la vie propre de l’eau, apprivoiser les arabesques de l’onde ou les éclaboussures d’une cascade. Tout est furtif. La lumière change vite et le vent s’en mêle, ajoutant au désordre. Cependant, les reflets ont une vérité singulière, ils ne déforment pas n’importe comment : c’est du jazz ! Et surtout, on ne les termine pas à l’atelier.

Je peins principalement la rivière Dordogne. Mes premiers jeux de construction étaient ses galets. Je connais son lit comme ses berges, ses profondeurs, ses grottes et ses habitants. Toute ma vie, je me suis nourri d’elle tant spirituellement que physiquement. Réserve mondiale de biosphère, elle reste la rivière sauvage.

porte de grange

Tout au long de ses berges sont distribués les trésors de l’architecture quercynoise et périgourdine. Ici, tout est à peindre : villages perchés, châteaux suspendus dans le vide… L’empreinte colossale de l’histoire se mêle à une géologie formidable. Nulle part ailleurs au monde on rencontre une aussi forte concentration de richesses architecturales.

Mais ce qui touche le plus, et qui d’ailleurs explique cette richesse, c’est le décor. On y sent la force de la vie des premiers âges. Je peins les mêmes paysages que les hommes de la préhistoire ont regardé ; ils sont inchangés et immuables. Prodiguant l’abondance ou infligeant le désastre, la Dordogne sans âge coule, dernier témoin d’un monde que nous avons détruit. Et c’est ici, dans cet univers intact, que je puise l’énergie de mon désir d’être humain, ma force créatrice de peintre.

Pourtant, la Dordogne n’est qu’une partie de ce vaste monde que constitue son bassin versant. Chaque ruisseau qui l’alimente est un diamant. Ce monde multiple et précieux, à l’abri des hordes intrusives de canoës, m’offre un patrimoine secret aussi beau que modeste. Ce sont d’audacieux ponts de calcaires enjambant leurs reflets inventés par un impressionniste. Ils ne permettent plus qu’un passage spirituel dans le temps. Ce sont des lavoirs abandonnés au cresson où seule se baigne certains soirs la vouivre.

Capter cette énergie, la mettre en aquarelle : tel est mon projet.