Entretiens avec mon pinceau
Pour moi, peindre est un engagement existentiel qui déborde du « cadre ». Un choix de vie, qui m’implique dans le monde.
J’ai rencontré Roman Opalka en 1989, dans son studio-laboratoire de peinture. Pendant qu’il peignait d’étranges tableaux, remplis de nombres, il se prenait en photo et s’enregistrait. Il vendait ses tableaux accompagnés des clichés et des enregistrements. Le besoin de soutenir son travail par des mots a été permanent chez lui. Certes, une œuvre d’art se suffit à elle-même et n’as pas besoin de discours. Mais il faut bien sentir que nous sommes dans une dimension existentielle. A partir de là, il me paraît intéressant de pouvoir faire remonter dans la partie émergée de l’iceberg les forces vives qui occupent les neuf dixièmes restants.
Auguste Renoir disait « Ce dessin m’a pris cinq minutes, mais j’ai mis soixante ans pour y arriver ». Cette dimension de création n’est pourtant pas une partie de plaisir. Elle est semée d’embuches, d’hésitations et de déroutes, de recherches, d’acharnements et d’interrogations. Le but final étant d’extraire la beauté du sujet.
Dans l’entretiens que j’ai avec moi-même, je trouve un élan renouvelé qui m’empêche de peindre par « saccades », car ce sont des ruptures dans la pratique qui annulent la progression. On a tout à gagner en accompagnant par une pensée consciente le geste créateur et, s’il peut nous transporter au frontières de la sensibilité, alors mettons-le en mots, en phrases, en concepts.